THE LIFE OF AN ORIGAMI ARTIST IS VERY DIFFICULT... Part 1
J'ai fait beaucoup, beaucoup, beaucoup d'expos d'origami, dans des lieux TRÈS différents. Parfois sélects avec cravatte et petits fours mangés le-doigt-en-l'air (Carrousel du Louvre, Matsuya Ginza, Hangar 7 de Salzburg, etc.) parfois tout à fait délirants, comme un vague abri bâché en extérieur, par temps de pluie et grand vent, où j'ai heureusement pressenti, quelques secondes avant que ça n'arrive, que la bâche qui servait de toit

allait péter sous la pression de l'eau accumulée dessus : sinon, il y a longtemps que pangolin, tortue et autres hérissons auraient été noyés ! Bof, j'ai l'habitude : dans l'entrepôt de 70 m2 où sont stockées toutes mes vitrines, cocottes de toute taille jusqu'à Rhinocéros ou Pégase grandeur nature et autre matériel, le toît est TRÈS fatigué.... Bref, il pleut en un certain nombre d'endroits. Ça oblige à ranger "habilement" les objets, en fonction de leur fragilité ou de la difficulté à les refaire, tous sur palettes, dans un agréable bordel apparent (!), les cocottes

alternant avec les seaux

où l'eau déborde et les poudres sensées absorber l'humidité. Le tout peut sembler quelque peu surréaliste, surtout si l'on tient compte du fait qu'est stocké là plus de 20 ans de travail, à la merci de quelques tuiles, et non chauffés l'hiver. Ça a laissé pantois

les quelques journalistes qui souhaitaient venir se perdre dans la lointaine banlieue pour visiter ce qu'il appelaient mon "atelier d'artiste" !
Et que l'on ne crois pas que je suis le seul rigolo dans l'origami professionnel à travailler dans des conditions plus que précaires ! Gérard Ty Sovann vit également en banlieue (juste à côté de chez moi en fait), dans un pavillon de plein-pied. Les cocottes (et la plupart des siennes sont grandeur nature) sont donc reléguées là où c'est possible, c'est à dire ...à la cave. Pour charger le camion et partir installer une expo, disons de 1.000 m2, il faut évidemment SORTIR

les "bestiaux" de ladite cave (ah ben oui !). Ça paraît évident, MAIS : La seule issue de la cave est une TOUTE PETITE porte, JUSTE après cette porte un MUR à angle droit, et des ESCALIERS qui accèdent (enfin !) au jardin.

Vous passez une bonne demi-heure et 3 litres de transpiration à sortir péniblement le cheval grandeur nature. Ouf ! Ça y est ! Ah, ouiche, mais derrière le cheval, savez-vous quoi qui n'y a ? Mais c'est bien sûr : l'ÉLÉPHANT !

Mieux vaut alors avaler 2 ou 3 cachets de Prozac avant d'en entamer l'exhumation... Le sol de la cave étant en terre battue (!), Gérard est obligé de sortir TOUS ces animaux en été, pour que l'humidité accumulée durant l'hiver puisse un peu s'estomper. Parfois même faut-il débarrasser le kraft des champignons qui poussent dessus...
Quand je reparle de Gérard, je pense immédiatement à son rhinocéros. Pourquoi ? Deux exemples devraient me suffire pour illustrer la joie et l'exaltation qu'on peut éprouver à installer des expos d'origami dans les supers et hypermarchés... Sur ce sujet, j'ai accumulé tellement d'anecdotes que ça fera probablement l'objet d'autres posts : la société France Origami a fonctionné environ 6 ans, et faisait 8 à 10 expos de ce genre par an. C'était généralement moi qui restait sur place, pour assurer 6 à 7 jours sur 7, et 8 heures par jour l'animation (lorsque j'estime avoir initié environ 500.000 personnes, chacune durant au moins 1 H / 1H30 dans ma carrière, c'est surtout à cette période). J'avais aussi la responsabilité de la maintenance. Diable ! qu'est-ce que peut être la maintenance d'une cocotte ???

Et bien voilà : Plusieurs fois par jour, j'arpentais la totalité de la galerie marchande (des centaines de mètres de long, voir des kilomètres pour les plus grandes comme Vélizy 2 ou Villiers-en-Bière). La tâche était de regarder dans les moindres détails si vitrines, moquettes, panneaux explicatifs, pliages, etc..., enfin que tout allait bien ! Un jour j'arrive non loin de l'endroit où je "supposais" trouver le Rhino grandeur nature de Gérard. Aaaarghhh ! PAS de Rhino !!! Nulle part !!! C'est quand même pas possible qu'un joyeux drille l'ait emporté sous son bras en passant devant tous les commerçants et la sécurité

Je m'approche... Stupeur : le malheureux Rhino est là en fait, mais sur le ventre, complètement aplati sur le sol les 4 pattes écartées. Je l'inspecte sous toutes les coutures (pardon pliures), je crois l'entendre me supplier de l'achever...

Après réflexion et enquête, il s'était passé la chose suivante : personnellement, à tendance parano (ça m'a au moins permis de ne pas faire l'armée) je construits mes structures de pliages géants à l'épreuve des balles. Gérard préférant aller très vite en cette matière, s'était servi de 2 simples tréteaux, maintenus en place par une malheureuse vieille ficelle. C'est généralement TRÈS PAUVRE, un plieur professionnel...

Malgré les potelets et les chaînes de protection qui entouraient la bestiole, un gars poussant son caddie surchargé, et regardant probablement ailleurs, avait bousculé et était passé SUR le rhinocéros, apparemment sans même s'apercevoir du meurtre qu'il venait de commettre !!! Mais que fait Brigitte
La pauvre bête, bien que réparée à la va-vite, n'était pourtant pas au bout de ses souffrances ! Quelques jours plus tard, un vigile catastrophé vint me trouver sur mon aire d'animation. Un gugusse au QI très déprécié, qui plus est gros fumeur

(eh oui, en ces temps reculés on POUVAIT fumer dans les galeries marchandes, ou du moins c'était "toléré"), avait trouvé très drôle, au moment d'allumer sa clope, d'allumer AUSSI la queue du Rhino. Oh mais comme c'est drôle ! J'en pète de joie !

Un cocottologue est certes un peu comme un confesseur (si, si, ça m'est arrivé aussi), mais ça ne fait pas de miracle...

L'expo terminée, j'avais ramené la pauvre bête au siège de la société, dans un état plus que piteux. Nous étions bien embêtés : nous attendions Gérard, et nous savions à quel point il chérissait tous ses animaux. Michel Charbonnier, toujours prompt à réagir, empoigne une paire de ciseaux (si, si, Mesdames Messieurs, des CI-SEAUX) et taillade toutes les parties brûlées. Ce qui reste est vraiment riquiqui à pleurer... Et lorsque Gérard nous dit, avec son accent cambodgien à couper au couteau

: "Tiens, on a coupé la queue de mon Rhinocéros !" Honte sur nous, maudits soyons-nous, nous répondîmes lâchement : "Oh, ben ça alors ! On avait pas remarqué !"
