Eric Joisel a écrit :LES ANIMATIONS QU'IL EST VITAL DE REFUSER DE FAIRE...
On a sans doute du mal à le croire en voyant mon état actuel, mais moi aussi j'ai été jeune... Si, si ! Et j'ai moi aussi fait mes toutes premières animations d'origami. Le cocottologue débutant est bien entendu "tout feu tout flamme", il croit en sa bonne étoile et sa passion. Rien ne semble pouvoir entamer son enthousiasme ! Y en a même pour aller faire gratuitement des animations pour la Poste ou les Grands Magasins parisiens, c'est dire à quel point y en a qui perdent les pédales !!! Mais au fil des années, après quelques milliers d'animations, ON SAIT à quel point faire des animations d'origami peut être difficile, voir DANGEREUX !!! Si vous voulez survivre encore quelques années, oyez, oyez braves gens, les bons conseils du vieux tonton cocottologue qui en a vu des vertes, des pas mûres, et aussi des complètement blettes !!!
Bon, quelles que soient vos précautions, sachez d'abord qu'on saura TOUJOURS vous surprendre, en vous confiant sans vous prévenir un groupe d'enfants sourds (ou même aveugles), des handycapés de tous poils et de tout genres, et j'en passe : de toute façon, pour leur faire des choses aussi stupides que des cocottes en papier, vous vous débrouillerez bien ! Toujours amusantes sont les salles à peine éclairées, surtout si on vous confie des personnes âgées, celles qui comportent un ou 2 piliers en plein milieu, juste à l'endroit ou vous-mêmes seriez idéalement placé pour enseigner. Evitez tous les endroits de passage, où des troupeaux de visiteurs aux commentaires parfaitement niais vont distraire l'attention des petits comme des grands. Dans le même ordre d'idée dans les centres commerciaux, ne jamais accepter qu'on installe votre atelier JUSTE à côté d'un manège (ou si vous y êtes vraiment obligés, retirez les piles du klaxon de l'auto de pompiers). Se méfier comme de la peste de tous les SALONS DU LIVRE : vous pouvez être sûrs qu'un joyeux animateur à l'humour discutable et aux propos sans aucun intérêt, malencontreusement muni d'une puissante sono, couvrira toutes vos explications, et ce bien sûr au moment le plus crucial. Mais enfin, tant que vous serez à l'intérieur, vous serez "relativement" en milieu protégé...
PAR CONTRE, si on vous demande de faire une animation à l'EXTÉRIEUR... Alors là, TOUT, ABSOLUMENT TOUT peut arriver ! Il y a les tables et les chaises qu'on avait apporté sur place la veille, et qui au matin sont bien humides, couvertes de rosée : le wet-folding à 6 ou 7 ans, c'est pas le mieux pour débuter. Il y a aussi les sols sablonneux, qui couvriront d'une poussière INEFFAÇABLE à tout jamais vos précieuses cocottes d'exposition. Mais enfin, tant que le temps reste sec, on peut encore s'en sortir... Hélas, vient la pluie. Pas de chance : ça fait 45 ans qu'il n'avait pas plu à cette période de l'année, mais c'est pour vous. Stoïquement, vous abritez votre public à l'intérieur de la baraque de marché qu'on a bien voulu vous allouer, et vous continuez courageusement à les faire plier... ...jusqu'à ce que vous vous aperceviez que par dessus la bâche qui sert de toit commence à se former une énorme poche d'eau. L'œil hagard,

vous réalisez que ladite poche va bientôt céder, et qu'elle est JUSTE au dessus de votre mini expo, et que hérissons, tortue et autre pangolin vont bientôt être engloutis sous une tonne d'eau. Comme Noë en son Arche, vous organisez l'évacuation rapide du public avant la catastrophe, tout en jetant fébrilement vos cocottes dans leur carton. La bâche cède juste au moment où, tel un fier capitaine, vous étiez le dernier à évacuer la baraque en perdition, votre carton sous le bras...
SPLATCH !!!
Mais tout ceci n'est rien à côté du pire ennemi qu'ait jamais connu le cocottologue ! Et c'est ? Mmmmmh ? Mmmmmh ?
- long silence - Le VENT bien sûr, têtes de pioches ! Alors évidemment, par temps venteux, il est vivement recommandé de NE PAS apporter de pliages en expo : vous regarder leur courir après tout au long de la journée PEUT amuser le public, mais c'est fatigant... Il est TRÈS fatigant aussi, à peine après avoir distribué son carré de papier à chaque participant, que celui-ci ait disparu à la moindre bourrasque : ça énerve, ça coûte cher à la longue, et ça pollue le site...

Cependant, la pire journée que j'ai jamais vécu, je m'en rappelle comme si c'était hier, en plus, c'était un 14 Juillet. La journée s'annonçait mal : arriver assez tôt le matin dans le fin fond du 77, quand on habite dans le 95, c'est pas l'idéal. Sur place, on apprend que l'événement se passe non pas dans la bibliothèque qui vous a engagé, mais au fin fond d'un champ éloigné de tout, alors qu'il a plu toute la nuit. Après avoir roulé puis marché longtemps dans la bouillasse la plus abjecte, on arrive un peu fatigué déjà à l'emplacement qui vous est alloué. Il fait froid, humide, sans même un café pour se réchauffer, et l'endroit est un plancher sous tente. Pour abriter tables, chaises et autres matériels, on a tout fourré dedans. La journée se continue donc par un déménagement. Une fois la tente vidée, je mesure toute l'horreur de ma situation : le plancher est complètement disjoint, et couvert de boue. Vous ne comprenez peut être pas le problème, mais moi, il me faudrait 2 ou 3 cachets de Prozac : je suis venu faire une "performance", c'est à dire plier un carré de 4 x 4 mètres, en réalisant avec lui un animal assez grand, devant le public, en quelques heures. Je suis seul pour faire ça, et je dois bien sûr étaler ma feuille dans la bouillasse, et marcher dessus pendant plusieurs heures. Vu l'état du plancher, je vais faire des trous dedans à chaque pli... Heureusement que j'étais comme d'hab TRÈS EN AVANCE, car me voilà en quête d'un seau et d'une éponge pour nettoyer au moins la boue.
Enfin, je suis près à travailler ! En retard certes, mais le public n'est pas fou : vu le froid de canard qu'il fait (on est pourtant le14 juillet !), il ne viendra que l'après-midi. Seulement c'est à ce moment que le vent choisit de se montrer aussi... Ma feuille de 4 x 4 est une grande voile qui réagit aussitôt. Je mets des poids dessus, et commence à dérouler l'un des 4 murs de toiles de la tente. Un mur ne suffit pas, j'en descends un 2e, puis un 3e... Je ne peux quand même pas descendre les 4, alors que le public est sensé me regarder faire ma cocotte ! Je tente une diagonale : j'ai l'impression d'être sur une planche à voile, mes 16 m2 m'emmènent là où je ne veux pas du tout aller. J'attends des accalmies, fais d'autres essais. Rien à faire ! Je devrais annuler ma prestation, fait unique en plus de 20.000 heures de cocottologie. Aux infos le soir, ils parleront d'un temps exceptionnel pour juillet, avec des vents de plus de 100 km/h. Un temps à ne pas mettre un cocottologue dehors !