Tout ce qui suit est une opinion personnelle qui n’engage que moi ; j’accepte avec plaisir (et je le souhaite) que d’autres aient des avis différents ! Mais ce lapin m’a fait réfléchir et je vous soumets le résultat de ces réflexions (je ne sais pas trop ce qui m'a pris, peut-être une certaine nostalgie des dissertations de philo

)
En voyant ce lapin, j’ai eu l’impression de voir le résultat d’un travail d’infographie, avec modélisation de la surface d’un objet 3D en triangles assemblés par leurs côtés. L’intérêt d’une telle modélisation en informatique est important, car le triangle est la forme la plus simple pour définir un plan, et effectuer des calculs sur les points d’un plan est aisé. On peut calculer par exemple assez facilement des effets d’ombre et de lumière en fonction des angles d’incidence.
Les polyèdres, qui sont par définition constitués uniquement de polygones (plans), peuvent être modélisés exactement par cette méthode, et un objet suffisamment régulier sera modélisé de manière d’autant plus fiable qu’on augmente le nombre de triangles de base (nombre qui peut vite devenir très important).
Le but de la représentation informatique est bien entendu de se rapprocher le plus possible (selon les performances de la machine) de l’objet à représenter, en faisant oublier au spectateur la modélisation sur laquelle tout est fondé. Et effectivement, 2 triangles adjacents d’une surface courbe assez finement représentée auront une orientation suffisamment proche et une juxtaposition suffisamment fine pour qu’on ne puisse pas les distinguer.
Revenons à nos lapins

L’impression que me fait ce pliage est que son auteur a voulu représenter… une représentation. C’est-à-dire exprimer à l’aide d’un art (l’origami) ce qui n’est qu’une expression imparfaite d’un autre art (l’infographie). Et ce qui ne me convainc pas du tout, c’est qu’on impose ici à l’origami des contraintes qui ne lui sont pas propres (le découpage en triangles plans), tout en lui ôtant une partie de ses richesses, et notamment la possibilité de courber le papier (1). Et ce qui me semble le plus embêtant est que cette contrainte artificielle complique terriblement les choses. En outre, alors que l’augmentation du nombre de polygones donne un résultat de plus en plus agréable en imagerie 3D, elle ne peut se faire par cette technique de pliage qu’au prix d’une complexité toujours plus grande qui rendra le modèle de plus en plus lourd et de moins en moins élégant (ce n’est qu’un avis personnel).
D’ailleurs le lapin présenté ici, qui est d’une complexité de pliage très importante, correspond à une modélisation 3D qui n’est qu’extrêmement grossière en imagerie.
Une comparaison me vient à l’esprit en voyant ce lapin : celle d’un peintre qui aurait vu de jolies mosaïques, et qui s’obligerait du coup à ne dessiner ses tableaux qu’avec de gros carrés de peinture juxtaposés, formant une œuvre artificiellement pixélisée.
Je tiens cependant à nuancer mes propos :
- Une technique de ce genre me paraît en revanche beaucoup plus adaptée pour plier des objets géométriques (et il vous suffira de voir mon avatar pour comprendre que je ne suis pas du tout allergique aux pliages géométriques

), car dans ce cas la modélisation polyédrique n’est plus simplement une représentation mais l’objet même que l’on souhaite représenter.
- Je ne remets absolument pas en cause le talent de l’auteur ! Je trouve par exemple sa
théière absolument remarquable, parce que justement c’est un objet qui a une forme géométrique qui se prête très bien à son travail, et en plus cette fois-ci le papier est courbé.
D’ailleurs la prouesse technique pour plier ce lapin est également remarquable. Mais c’est simplement pour moi la démonstration d’une faisabilité technique et non une fin artistique en soi

Car pour donner expression et vie au pliage d’un être vivant ça me paraît beaucoup plus délicat avec cette technique. Pour le lapin, les oreilles se prêtent en plus très mal à une modélisation polyédrique.
(1) Je ne parle pas bien sûr de la courbure au sens d’Euclide. Dans ce dernier sens, un cylindre ou un cône sont des surfaces de courbure nulle car en les découpant sur un côté on pourrait les déplier en une surface plane, à la différence par exemple de la surface d’une sphère qui a une courbure positive, ou de celle d’une selle de cheval qui a une courbure négative.
Bon ben je me suis bien lâché, j’espère juste que certaines des réflexions que j’ai mises ici peuvent avoir un minimum d’intérêt
