Je découvre cette rubrique, je viens de dévorer les aventures de notre experts es cocottologie, et je me suis régalé !
Et cela me rappelle quelques mésaventures semblables qui me sont arrivées lors des ateliers d'origami que j'avais organisé pour Japan Expo, et je ne peux pas résister à la tentation de les narrer !
JE4 (CNIT, la Défense, juillet 2002)
Replaçons un peu le contexte : j'ai commencé à vraiment plier en septembre 2001, mais je m'y suis lancé de manière assez intensive, en pliant tous les diagrammes qui me tombaient sous la main, en y passant facilement une heure ou deux par jour (je commençait une thèse en maths/info, j'en étais à la partie recherche biblio, autant dire que j'étais en semi-vacances...), résultat j'ai plié ma première rose de Kawasaki au bout de deux ou trois mois. (la version avec la grille à 22,5°, je n'ai découvert la première version que plus tard).
Tout début 2002, une copine qui était dans le staff de Japan Expo nous signale à un copain et à moi qu'ils cherchent du monde pour animer un atelier d'origami. Si je me souviens bien, c'était Naomiki qui avait tenu l'atelier l'année d'avant, et là il n'était pas disponible. Du haut de nos moins de un an d'expérience (Jean, le copain en question, avait commencé six mois avant mois, mais à peu près au meme rythme...), rien ne nous fait peur, on est pratiquement des pros maintenant
et l'idée nous plait...
Bref nous voilà intégrés dans le staff JE (à l'époque c'était organisé par un troupeau de ~150 bénévoles motivés). Premier problème à régler : il nous faut beaucoup de papier, plusieurs milliers de feuilles : on lançait vraiment l'opération "1000 grues pour Hiroshima", et on comptait essayer d'atteindre les 3000. Sans compter tout ce qu'on proposait d'autres comme diagramme, il nous fallait au moins 5000 carrés. Mais l'atelier origami n'avait presque aucun budget, les paquets de 200 carrés bicolores étaient exclus, il fallait aller à l'économie...
Comment avoir du papier en grande quantité pas cher, quitte à le découper nous-même au massicot ?
-Première source, Jussieu en période d'examens. Les salles étaient en permanence grande ouverte, on y faisait nos réunions de préparation le week-end, et il y trainait toujours des paquets de brouillon non utilisé des examens de la semaine... Je vous laisse imaginer la qualité du papier, mais il était gratuit, coloré avec 4 couleurs en tout, et disponible en grandes quantités... Je me suis toujours demandé quelle aurait été la réaction des étudiants de Paris 6 et Paris 7 qui étaient venus à Japan Expo si on leur avait dit d'où venait le papier !
-Oui mais bon, c'est pratique comme papier, mais on n'en avait pas récupéré assez, et c'est limité en couleur et que du pastel, c'est pas terrible pour avoir des belles guirlandes de grue coloré. Et c'est là qu'on a eu l'idée "de génie" : les rouleaux de papier kraft coloré, qu'on trouve pour pas cher en 70cm*3m. Si on coupe des feuilles de 14cm dedans, on peut avoir une centaine de feuilles par rouleau ! Seulement... Vous avez déja essayé de couper du papier en rouleau au massicot manuel ? Forcément il ne reste pas plat, et on s'est retrouvé avec un gros paquet de feuilles qui faisaient en moyenne 14cm*14,5cm, avec certaines presque carrées et d'autres avec plus d'un cm d'écart. Et comme pour le MFPP, vu qu'on en avait fait beaucoup on en avait encore en stock pour JE6, deux ans plus tard !
Avec toutes les remarques des visiteurs "mais il est pas carré le papier !", qu'on faisait mine de ne pas entendre...
Grosse surprise à un moment : je vois arriver un japonais qui s'installe sur le stand. Il devait etre venu soit avec une association culturelle soit avec une chaine de télévision. Bref il parlait seulement anglais, il le parlait bien pour un japonais mais ça restait très approximatif et hésitant. Et là il me demande à moi petit français de lui apprendre à plier une grue, en m'expliquant qu'il n'a jamais fait d'origami de sa vie, et qu'il découvre qu'on peut faire des modèles complexes en origami.
Et c'est là qu'une de mes illusions sur le japon s'envole et que j'apprends qu'au Japon l'origami est surtout pratiqué par les enfants, et par les femmes qui sont par définition mariées et au foyer. C'est vrai, il faut bien qu'elles s'occupent quand les enfants sont à l'école, et que les courses et le ménage sont faits, et donc elles vont dans un club d'ikebana, d'origami ou autre activité manuelle traditionnelle similaire ; dans le cas de l'origami, elles se contentent de reproduire les modèles, souvent simplistes, du maitre. Comment, qui a dit NOA ? Je ne vois pas du tout ce que vous voulez dire...
JE6 (CNIT toujours, juillet 2004)
Bon ça fait la troisième fois qu'on organise le bazar, on commence à roder tout ça, ça devrait bien aller. En plus depuis JE5, Jean et moi avions découvert le papier sandwich, la peau d'éléphant et le wet-folding, et on avait commencé à travailler le modelage et le rendu. On s'est donc dit qu'on allait mettre en place une petite expo à coté de l'atelier, d'autant plus que cette année il y a toute un quartier culture japonaise, avec exposition de kimonos, jardin zen, et pas mal d'autres trucs dans le genre. Pas grand chose, une table de 2m*70cm le long d'un des cotés du stand. Et c'est là qu'on a découvert deux lois fondamentales quand on n'a pas de vitrine pour l'exposition :
-Quelque soit la séparation physique qu'on met en place entre l'atelier et l'exposition, elle sera insuffisante.
-Quelque soit le modèle d'exposition, le rendu et le temps passé dessus, il ne sera d'aucune importance à coté des cocottes que certains visiteurs sont en train de plier.
Cela doit être des lois physiques fondamentales, je ne vois pas d'autre explication au comportement de certains visiteurs : face à un modèle de Kamiya soigneusement disposé sur une table à part et présenté par un écriteau indiquant le créateur du modèle et le papier utilisé, visiblement il est dans l'ordre naturel des choses de le pousser négligemment d'un revers de la main pour avoir de la place pour plier sont petit bout de papier à soi...
Et la pancarte demandant de ne ne pas toucher doit être invisible, bien qu'elle soit plus grande que certains des modèles exposés (et tripotés régulièrement...)
La prochaine fois j'imprime sur de la peau d'éléphant plein de petits "merci de ne pas toucher" et je plie avec ça, juste pour voir si même comme ça le modèle subit les doigts plus ou moins gras du public...
Bref le jeudi installation, on place l'exposition sur une table soigneusement disposée. Le jeudi soir on s'en va, laissant tout en place. On se dit que ça ne risque rien, on est les derniers à partir, il ne reste que les agents de sécurité dans le CNIT et le vendredi matin on est parmi les premiers arrivés (le salon ouvre ses portes à midi).
Le vendredi matin j'arrive, je pose mes affaires au fond du stand, et là je vois Isabelle (qui a en charge toute la zone culturelle) venir vers moi, le visage blanc, et elle me balance "Y'a le chien du vigile qui à chié dans le jardin zen"... Passé le premier moment d'incrédulité, je commence à m'inquiéter pour mes petites cocottes, après tout si ce crétin de chien est capable de faire ses besoins dans un jardin zen, il est aussi capable de bouffer un modèle d'exposition. Je me rue vers les tables en question, et je constate que tout va bien, rien n'a bougé. Et à ce moment j'entends un bruit par terre à côté de moi, et je vois de l'eau qui tombe dans une flaque à 30 centimètres de mes petits bouts de papier soigneusement pliés... Je lève la tête, et je vois une canalisation qui fuit. 150 000 euros de location pour le CNIT, et ils ne sont même pas capable de nous protéger contre la pluie !
Bon on attrape le régisseur, on le somme de s'expliquer, et on essaie de réfréner nos idées de meurtre impliquant les katanas de Sekiguchi Senseï, le maître de Iaido venu pour faire des démonstrations. Visiblement il n'en a rien à faire de nos soucis, il nous explique que ça ne pourra être réparé que le soir au mieux, et sans aucune garantie, et ça n'a pas l'air de le gêner que des visiteurs se prennent de l'eau sur la tête. Bon on essaie de remédier par la bonne vieille solution du seau, sauf que là on met un gros bidon en plastique bleu, comme ça on est sur que personne ne le renversera en shootant dedans. Episodiquement un jet d'eau tombe dedans, mais au fur et à mesure qu'il se remplit il commence à se dégager une certaine fragrance aux alentours. Et là on est obligés de se rendre à l'évidence : ce qui fuit ce n'est pas une canalisation d'eau, mais le condition d'évacuation des lieux d'aisances situés juste au dessus. Bref, on a les chiottes de la fnac qui coulent à 30 centimètres des modèles d'exposition ! Du coup on a passé tout le vendredi et le samedi à vider régulièrement le bidon pour éviter que ça sente trop, et là j'était content que le papier ne prenne pas trop les odeurs...